La naissance d’Euro Cos, une histoire mythique
Par Michel Hasselmann, extrait de la publication des 25 ans d’Euro Cos.
À la mémoire de mon ami Martin Weil.
L‘idée que l’on puisse aujourd’hui découvrir un mythe Grec jusqu’alors ignoré est impensable. Pourtant, c’est ce qui arriva à AH Namless, professeur de codicologie et d’histoire des manuscrits à la « Univerty of Tasmania » alors qu’il était en année sabbatique sur l’île de Kalymnos. Les Kalymniotes, descendants probables des Cariens, installés sur l’île il y a plus de trois milles ans, parlent un dialecte particulier aux racines doriques et certains de leurs écrits restent sans traduction. Sur cette île, le monastère Agios Savvas proche de la capitale Pothia, possède un fond de papyrus en partie inexploité. Certains, dit-on, proviendraient de Kastro Chrysocheiras où séjournèrent durant plusieurs siècles les Chevaliers de Saint-Jean, ordre fondé peu après la première croisade. Grâce à un concours de circonstances qu’il serait trop long d’exposer ici, c’est parmi ces manuscrits – dont certains furent rapportés de Saint-Jean-d’Acre – que Namless découvrit un mythe jusqu’alors inconnu. Sa rédaction pourrait, selon lui, être dû au pythagoricien Philolaos de Crotone et dater du 5ème siècle avant Jésus-Christ. Le découvreur en a autorisé la publication mettant toutefois en garde contre les effets éventuellement néfastes que sa divulgation pourrait entraîner. Mais en raison de l’importance qu’il revêt pour l’histoire contemporaine, nous prenons ce risque ; voici donc le mythe dans la traduction proposée par son découvreur.
Les hommes ont par nature tendance à toujours s’assembler avec ceux qui leur ressemblent, avec ceux qui sont d’une même appartenance d’idée, de croyance ou d’origine. Le groupe ainsi formé se sent plus fort, si fort qu’il en vient à vouloir imposer sa vision du monde, parfois par la parole et la dialectique, mais souvent par la force et les armes. Et, victorieux, il trouve cela bon et délicieux même s’il dût, pour vaincre, commettre l’injustice. Mais, quand par malheur il connaît la défaite et l’humiliation, il en vient à goûter l’amertume de l’injustice. La raison aurait dû faire comprendre que pour éviter les affres humiliants de la défaite qui font oublier le plaisir des victoires anciennes, il eut été sage de s’entendre avec les groupes humains différents, de croiser les points de vue et d’aller vers les disciplines et sciences enseignées par d’autres. Mais ce ne fut pas le cas. Les humains toujours s’assemblaient selon leur chapelle, jetant sur les autres un regard suspicieux et méprisant. Et le monde n’évolua pas comme il eût pu le faire si les idées des uns eussent pu se mêler à celles des autres. Zeus se désespérait de voir ces fragiles créatures ne pas unir leurs forces pour ordonner le monde mais s’égarer dans des joutes stériles qui les éloignaient du service qu’ils devaient aux Dieux. Il décida alors de leur donner des lois et des conventions indiquant aux hommes ce qui était juste et légitime afin qu’ils se tiennent à l’écart des excès, des vengeances et des guerres. Mais rien n’y faisait. L’idée lui vint alors de faire engendrer et donner vie à une nouvelle divinité. Pour mettre en œuvre son dessein, il convoqua la princesse Europe, fille du roi de Tyr dont il connaissait la fécondité. Jadis, après l’avoir enlevée en se métamorphosant en taureau blanc, il s’était accouplé à elle et de cette unique union naquirent Minos, Rhadamanthe et Sarpedon. Ayant trouvé la mère, Zeus pensa que le futur père devait connaître l’art médical qui soulage les souffrances et tient pour un temps l’Hadès à distance. Il convoqua donc Asclepios fils d’Apollon et de Coronis dont les adeptes, les Asclepiades, exercent la médecine sur l’île de Cos. A Europe et Asclepios, Zeus dit ceci :
« Allez à Cos et sous un platane, accouplez-vous. De votre union naîtra une divinité qui tiendra de sa mère la sagesse, la philosophie et le souci de la cité et de son père l’art médical, la prudence et l’énergie de rendre les mortels plus forts et plus vaillants. Elle aura la capacité de diffuser sa sagesse sur le monde et enseignera aux hommes l’art de prendre en compte la certitude opposée. Je dis qu’alors les hommes vivront heureux et serviront au mieux les dieux.»
Et il fut fait ainsi. Sur l’île de Cos, des œuvres d’Asclepios, Europe devint grosse.
Comme dans le monde des dieux le temps n’existe pas, seule l’éternité rythme les jours, Europe attendit pour mettre au monde la divinité nouvelle. Les années, les siècles, les millénaires humains s’écoulèrent sans que l’enfant ne vit le jour. Asclepios s’impatientait. Mais Europe restait intransigeante. Voulant impliquer Zeus dans cet événement elle proclama « Ce que femme veut, Dieu le veut ». Mais le Dieu-roi n’était pour rien dans ce délai. En réalité, Europe guettait le moment propice pour que sa divine progéniture puisse agir avec efficacité. Et ce moment arriva vers la fin de l’humain XXème siècle quand, abolissant le mur qui séparait deux blocs opposés, les hommes donnèrent l’impression de se réconcilier. Europe entrepris alors d’accoucher, mais ignorant le temps, le travail dura deux ans. Sa fille naquit en 1991. Pour la nommer Zeus voulut qu’elle porte le nom de sa mère couplé à celui du lieu de sa conception. Elle fut donc nommée Euro Cos et reçu le titre de « Déesse de l’Humanisme et Santé ». Depuis, selon le divin souhait, elle œuvre au rapprochement des idées, à l’échange et à la confrontation des opinions pour le plus grand bien des hommes. Zeus et tous les Dieux savent que ceci est bon.
Si vous allez sur l’île de Cos, vous verrez un platane éternellement vert. C’est lui qui abrita jadis les amours d’Europe et d’Asclepios.
Adam H. NAMLESS lors de sa nomination
comme correspondant étranger
de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
Paris 2008