Quelques souvenirs…
Par Claude-Marie Laedlein-Greilsammer, extrait de la publication des 25 ans d’Euro Cos.
Dans les années 1980, à l’initiative de quatre personnes d’horizon professionnel différents1, l’Université Marc Bloch et le Centre Hospitalier Régional Universitaire de Strasbourg, mirent en place une coopération, afin d’élaborer des formations destinées aux assistants de service social hospitalier. C’était là le début d’une collaboration, et aussi l’acte fondateur d’Euro Cos Humanisme & Santé.
Toujours avec l’aval de l’Université Marc Bloch et du CHRU de Strasbourg, ce « quartet », mit en place l’Association Européenne des Assistants Sociaux Hospitaliers en 1989 et par la suite, il eût l’utopie d’imaginer un lieu de réflexion pluridisciplinaire et pluri-professionnel en santé. Il proposa, alors à la Faculté de médecine de Strasbourg de se joindre à ce projet, et le doyen de l’époque, bien qu’un peu dubitatif, décida pourtant de déléguer un professeur du Centre Hospitalier Régional Universitaire2 pour participer à cette entreprise. Ce désigné-volontaire-professeur ne le regrette certainement pas !
Ainsi en 1991, une convention de coopération, signée par l’Université Marc Bloch, le CHRU de Strasbourg, et l’Association Européenne des Assistants Sociaux Hospitaliers, créa Euro Cos Humanisme & Santé.
Pour avoir une visibilité, il fallait trouver un nom et inventer un logo. Et lors de la première réunion de travail du groupe, déjà la disponibilité et l’imagination de chacun fût mise à contribution. Le nom de « Eméra », déesse de l’aube, a été très sérieusement évoqué, mais cela parut un peu « too much »… et comme l’Europe avait alors le vent en poupe, et que la réflexion se devait de ne pas rester hexagonale, le choix se porta sur Euro, qui s’accolerait à celui de Cos, l’île où est né Hippocrate et la première école de médecine. Trois ans plus tard et comme une évidence, les mots « humanisme et santé » s’y sont ajoutés. Quant au premier logo, il a été « bidouillé » – c’est la seule expression qui convienne – grâce à des pâtes de potage en forme d’étoile…
Cette utopie se devait aussi d’être pragmatique. Il fallait un thème pour les premières Rencontres prévues dès 1992, ainsi qu’un financement. Le VIH en Europe, qui commençait à faire ses ravages, sembla un sujet pertinent, et un dossier conséquent fut déposé auprès de la Commission Européenne, qui décida de financer la totalité du projet. Un amphithéâtre, mis à disposition par le Parlement Européen, permit d’accueillir près de 300 professionnels de santé, belges, espagnols, italiens, irlandais, français et portugais, et la ville de Strasbourg, ouvrit la grande salle du Palais des Rohan, afin d’y recevoir les participants. (Pour la petite histoire, notons que la dernière personne reçue dans cette salle avant Euro Cos Humanisme & Santé, était la Reine Elisabeth II d’Angleterre…) Le programme de 1992, proposant une approche pluri-professionnelle et pluridisciplinaire sur le SIDA, remporta un tel succès, qu’il incitait à poursuivre l’aventure, avec d’autres thèmes pour d’autres Rencontres.
Commença alors ce chemin qui dure depuis 25 ans. Une façon de travailler, très spécifique, se mit en place naturellement et sans aucune méthodologie préétablie. Un thème, choisi en concertation avec les différents membres du groupe, fait l’objet de débats, animés et riches, lors de réunions de travail mensuelles au sein des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Ceux qui ne peuvent être présents, envoient leurs idées, leurs propositions, leurs réactions, et grâce aux échanges de courriels et de communications téléphoniques, la réflexion progresse et chacun se set toujours concerné.
Après quelques mois, de ce « remue-méninge », tout s’affine, se décante, et les Rencontres peuvent alors se construire. Ce cheminement se fait, à la fois, avec beaucoup d’enthousiasme, de doutes, d’incertitudes, d’angoisses, de déboires, mais aussi de satisfactions et de plaisirs partagés. Dans cette démarche de travail, rien n’est figé, rien n’est jamais certain, et tout est toujours à faire. Voilà probablement une des raisons qui amène Euro Cos Humanisme & Santé au quart de siècle ! Depuis tout ce temps, les thèmes s’enchaînent, des liens se tissent et perdurent, et des étudiants et de jeunes professionnels ont rejoint le groupe de travail.
Bien sûr, en 25 ans une multitude de choses sont arrivées, tant sur le fond que sur la forme, et ne seront évoqués ici que quelques temps forts, parfois anecdotiques, mais tellement spécifiques.
- Jusqu’en 1999, l’amphithéâtre du Parlement Européen était plein et particulièrement, en novembre 1995, pour « L’avenir de la vieillesse », lors de la grande grève générale qui dura plusieurs semaines. Plus un train, plus un avion et il gelait à pierre fendre… Afin de ne pas annuler les Rencontres, tous les participants furent contactés et mis en relation pour venir ensemble en voiture, puisque l’essence ne manquait pas encore. Avant l’heure, le covoiturage était lancé, et il fallut refuser du monde !
- En 2000 : le « flop » de « Où nous mène le médicament ? ». Il y eut 2 inscrits, un anglais et un suisse. Le médicament ne nous mena pas loin, et le programme pourtant très pertinent, fut détricoté. Pourtant cette déconvenue ne nous a pas fait baisser les bras, et en 2001 avec « Les paradoxes d’une recherche de santé sans risques », les inscriptions ne manquèrent pas.
- En 2004, lors de « Irrésistible médecine prédictive », dans l’amphithéâtre de l’IRCAD3, « la java bleue »4, entonnée par deux d’entre nous fut reprise par toute la salle, en attendant que le système informatique, qui avait déserté, soit remis en marche.
- De 2004 à 2011 : l’expérience de Rencontres « hors les murs » pour des galops d’essais. « Génomique- génoéthique et anthropologie » à Montréal, rouge d’automne, où les universitaires qui nous accueillaient, semblaient ne pas bien saisir notre démarche pluridisciplinaire et pluri-professionnelle en santé. « La force des images et des représentations » à Prague, chaleureuse, et un quatuor à cordes dans la maison de Mozart. « De l’accès à l’excès, ou les avatars de la demande de soins » et « La relation de soins, dans une société d’urgence, d’immédiateté et de norme » à Dijon, accueillante, organisée et efficace. « La maladie sortie de l’hôpital » à Paris, dans une salle tristounette, à côté de Jussieu toujours en désamiantage, et le potager du Roi à Versailles. « Santé, médecine et corps morcelé » à Marseille, où nous n’étions pas franchement attendus, mais avec le sens de l’humour, on revient de tout ! « La santé prise dans la toile » à Genève, intimiste dans une petite salle, mais ne manquant d’intérêt.
- En 2007, pour « La santé médiatisée », après sa première synthèse des Rencontres, le président du Comité Consultatif National d’Ethique5 qui demande, avec prévention, s’il peut revenir à Euro Cos… Depuis il ne l’a pas quitté!
- En 2013, le directeur de France Culture de l’époque, partant pour monter à Strasbourg avec Euro Cos, des Rencontres Santé Société… Hélas ! il était certainement le seul à vouloir partir, d’autres volontés ne furent pas favorables. Mais nous avons rêvé. C’est alors que le Président*(6) de l’Université de Strasbourg, et l’un de ses vice-présidents(7) proposent que les doctorants de toutes disciplines puissent assister aux Rencontres et que celles-ci soient validées dans leur cursus. Depuis, les jeunes viennent, et la grande salle Pasteur de l’Université de Strasbourg est pleine de 100 étudiants et de 100 professionnels qui se rencontrent et peuvent échanger. Euro Cos Humanisme & Santé devient ainsi pluridisciplinaire, pluri-professionnel et pluri générationnel.
- Depuis 2015, grâce à la volonté de Bernard Canguilhem, les Rencontres Santé Société portent le nom de son père, Georges Canguilhem*(8).
- Et en octobre 2016, pour ses 25 ans, Euro Cos Humanisme & Santé propose un sujet, au combien brulant et passionnel : « Migrations : les enjeux pour la santé ? ».
Voilà quelques moments de l’histoire, et je veux dire, ici, ma reconnaissance à ceux qui accompagnent cette aventure avec fidélité et qui donnent leur confiance à ce qui est entrepris. Sans eux, sans vous, rien n’aurait été possible, et rien ne le serait ! Merci pour tous ces souvenirs et pour ce qui peut encore être fait.
- Jacques Freund, Claude-Marie Laedlein-Greilsammer, Marc Michel, François Steudler.
- Michel Doeffel
- Institut de Recherche contre le Cancer de l’Appareil Digestif à Strasbourg
- Chanson réaliste de Vincent Scotto (1939)
- Didier Sicard
- Alain Beretz
- Edouard Mehl
- Georges Canguilhem (1904-1995) philosophe et médecin, pionner de la pluridisciplinarité, qui a, entre autre écrit « le normal et le pathologique » et présenta sa thèse de médecine à la Faculté de Médecine de Strasbourg